RESSOURCES NATURELLES AU MALI : Quel avenir pour les maliens et leur espace vital ?


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En Afrique de l’Ouest, le Mali figure parmi les pays riches en ressources naturelles. Outre les ressources minières, le pays regorge d’un vaste espace agricole. Pourtant, cette richesse contraste avec le quotidien des populations qui peinent à en tirer profit de façon satisfaisante. Entre opportunités économiques et menaces environnementales et sociales, la gestion de ces ressources soulève des défis majeurs, tant sur le plan de la gouvernance, de la sécurité que du développement durable. 

Avec 63 tonnes d’or extraites en 2023, le seul secteur minier contribue à hauteur de 25 % du budget national, selon le Pr Dialla Konaté, expert en mines, qui estime que ces chiffres illustrent l’importance du secteur.  Pour lui, dans notre pays, les mines jouent un rôle crucial dans l’emploi, avec environ 13 sites qui emploient des milliers de jeunes maliens. Toute chose qui contribue au développement local.

Les opportunités économiques ne se limitent pas seulement au secteur de l’or. Elles sont immenses. Le lithium, en pleine demande mondiale, pourrait positionner le Mali comme un acteur stratégique de la transition énergétique mondiale. « Sur un bénéfice annuel attendu de 71 milliards de FCFA, 30 % iront dans les caisses de l’État, et 5 % seront réservés au secteur privé. La mine s’engage également à réaliser des projets de développement au niveau local », note le président Assimi Goïta lors de l’inauguration de l’usine de Lithum à Goulamina. Et d’ajouter que ce projet devrait créer environ 2 000 emplois directs et indirects, tout en boostant les activités des entreprises locales dans des secteurs clés comme le transport et la construction.

Toutefois, il faudrait noter que ces différentes opportunités liées au secteur minier exigent une gouvernance transparente rigoureuses et de contrôle pour éviter que les revenus générés n’échappent au peuple malien. 

Au côté des grandes compagnies minières, l’exploitation artisanale de l’or est devenue un phénomène incontrôlable. Mahamadou Diarra, Directeur exécutif de l’ONG Mali-Folkcenter Nyetaa, dénonce les conséquences désastreuses de cette pratique:  déforestation ; utilisation de produits chimiques toxiques (mercure, cyanure) qui contaminent les sols et les cours d’eau avec des impacts sanitaires graves (cancers, malformations chez les enfants, maladies respiratoires).  « Chaque site d’orpaillage détruit des hectares de forêt et contamine les écosystèmes pour des décennies. Ces pratiques aggravent la pauvreté et la vulnérabilité des communautés rurales, » explique M. Diarra.  En outre, la dégradation des terres réduit la productivité agricole et menace la sécurité alimentaire.  A cet effet, des programmes de vulgarisation des lois environnementales doivent être mis en place pour éduquer les communautés rurales et les autorités locales sur l’importance de l’environnement et sur les conséquences des pratiques illégales. Cette sensibilisation pourrait contribuer à combler le fossé entre les réglementations et leur application sur le terrain.

Outre la dégradation de l’environnement, sur le plan sécuritaire, l’exploitation illégale de l’or représente un véritable danger pour les populations locales mais aussi pour la stabilité de notre pays dans certaines mesures. En effet, dans le nord du Mali, selon les précisons de nos autorités militaires, des groupes armés non étatique exploitaient dans un passé récent les mines dans les régions de Ménaka et de Tinzaouatene. Toute chose qui leur permettait de financer leurs activités illicites dans le Nord et le Centre du pays. Cela démontré ainsi les tensions sécuritaires persistantes sur le contrôle de ces ressources naturelles entre notre Etat et les groupes armés non étatiques. Le contrôle des ressources minières par l’Etat et la bonne redistribution de la richesse est important pour la stabilité des régions affecté par les conflits.

L’exploitation minière, censée être une opportunité pour le développement économique du Mali, continue d’être une source de tensions croissantes dans certaines régions du Sud du pays aussi, notamment à Yanfolila. Des permis d’exploitation supposés « controversés », des « complicités locales » et des « abus environnementaux » flagrants placent aujourd’hui le village de Denso-Madina au cœur d’un conflit houleux. Une société minière mise en cause dans cette zone est accusée d’empiéter illégalement sur des terres locales, mais aussi sur 1800 ha de la superficie de la forêt classée de Kalana soit un peu plus de la moitié de sa superficie qui est de 3700 ha. Cette situation continue aujourd’hui d’engendrer une tension entre population locale et ladite société minière. La situation à Denso-Madina illustre les « dérives d’une gestion opaque » des ressources naturelles au Mali. Pour éviter de telles crises à l’avenir, il est impératif de renforcer la transparence dans l’attribution des permis d’exploitation ; d’impliquer les populations locales dans les décisions concernant l’exploitation de leur espace vital.

Au-delà des tensions liées à l’exploitations des mines, la pression exercée sur les ressources naturelles, à cause des aléas climatiques accentue les conflits pour l’accès à la terre et à l’eau entre agriculteurs, éleveurs et pêcheurs principalement dans les régions de Mopti et Ségou. Ce changement climatique aggrave les tensions et en transformant des zones fertiles en terres arides. 

Face à ces défis, les mécanismes traditionnels de gestion des conflits, comme la chefferie coutumière et les autorités religieuses, montrent leurs limites. Des projets comme ‘’le PNUD Climat, Paix et Sécurité’’ tentent de renforcer la résilience des communautés en encourageant une gestion pacifique et durable des ressources. Mais ces initiatives semblent insuffisantes sans un engagement ferme de l’État. 

Aujourd’hui pour transformer les ressources naturelles en véritable levier de développement, plusieurs recommandations s’imposent :  renforcer la gouvernance et la transparence ; investir dans les communautés locales en allouant une part des revenus miniers au développement des infrastructures locales (santé, éducation, agriculture).  Le nouveau code minier adopté en 2023 semble prendre cela à compte.

Parmi les différentes recommandations, s’ajoute la lutter contre l’exploitation illégale de l’or pour en limiter les impacts environnementaux.   

Les ressources naturelles dans notre pays constituent donc une opportunité historique pour bâtir une économie solide et résiliente. Mais pour y parvenir, il est impératif d’adopter une stratégie de gestion transparente et inclusive, tout en veillant à la protection de l’environnement et la prévention des conflits.

Oumar ONGOÏBA, Journaliste

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