Au Mali, Joliba TV fin prête pour reprendre le jeu du chat et de la souris

Par Damien Glez (JEUNE AFRIQUE)

Dans le contexte médiatique sahélien que l’on sait difficile, nombre d’organes de presse auraient jeté l’éponge, après une suspension d’un semestre de leurs programmes par les autorités. Mais Joliba TV, sanctionnée au Mali par la Haute autorité de la communication (HAC) depuis le 26 novembre dernier, semble avoir fait sienne la pensée populaire qui indique que « quand le canari se casse sur ta tête, il faut en profiter pour te laver ».

Comme pour montrer au régime qu’elle est bien décidée à imprimer son propre timing, la chaîne malienne s’est donnée un mois supplémentaire pour faire sa « toilette »… La voilà donc qui diffuse à nouveau ses programmes, depuis le lundi 30 juin. Même si les finances de l’entreprise ont été évidemment grevées et les carrières des journalistes secouées, le phénix renaît de ses cendres, avec des ambitions revues à la hausse.

La direction annonce une antenne renouvelée, des décors modernisés, des formats repensés et des programmes inédits. Le leitmotiv exprimé est d’«amplifier la parole des citoyens » sur les enjeux quotidiens et de « renforcer la visibilité des régions, les défis qu’elles rencontrent, mais aussi les initiatives porteuses d’espoir et de changement ».

Comment débattre ?

Quel niveau de liberté de parole s’autorisera une rédaction qui sait qu’elle avait échappé de justesse, fin 2024, à une interdiction définitive ? C’est la mobilisation confraternelle qui semble avoir alors pesé dans la balance. Une mobilisation qui n’est guère plus aisée en 2025. Interrogés par des confrères, des journalistes de Joliba TV affirment pourtant que l’autocensure ne sera « jamais au programme »…

Sans doute la remodélisation de la grille a-t-elle été une occasion d’identifier les chemins de traverse éditoriaux susceptibles d’éviter une nouvelle sanction qui pourrait réduire définitivement les antennes au silence, tout en restant fidèle à la sacro-sainte mission d’informer.

Les programmes les plus sensibles seront certainement les débats au cours desquels il faudra peser chaque mot. Des débats qui, d’ailleurs, pourraient rencontrer des difficultés à mobiliser des invités. Car c’est justement ce genre de programme qui avait été à l’origine de la suspension de six mois.

Pas de décrispation

C’est Issa Kaou N’Djim qui avait froissé le régime malien, actuellement président en exercice de la confédération de l’Alliance des États du Sahel (AES). Le président d’ACRT Faso Ka Wélé avait critiqué une junte sœur de l’AES, celle du Burkina Faso, en mettant en doute la véracité d’un supposé coup d’État déjoué au pays des Hommes intègres. Non seulement le vecteur de l’analyse avait été suspendu, mais son auteur avait été condamné à deux ans de prison

Depuis six mois, de nombreux acteurs de la société civile dénoncent un contexte encore durci, dans le domaine des libertés publiques, en particulier d’opinion et d’expression. Le directeur de publication du journal Canard de la VeniseAlfousseini Togo, est notamment poursuivi pour « atteinte au crédit de l’État ». Les hommes politiques, eux, ont vu l’existence même de leurs formations remises en cause. La ligne de crête sera donc étroite pour la nouvelle Joliba TV.