D’une durée d’1h26 minutes, le film documentaire Le dernier refuge du jeune réalisateur malien Ousmane Samassékou nous entraine sur les sentiers de l’immigration clandestine par la fenêtre de la Maison du migrant de Gao, foyer d’accueil et de transit pour les migrants en entendant leur voyage.
Une étendue de sable à perte de vue, un groupe d’hommes qui réhabilitent des tombes de migrants dans un cimetière. C’est sur ces images que s’ouvre Le dernier refuge. Le film se déroule à Gao, cette région du nord du Mali considérée comme une zone de transit pour les migrants africains et non-africains qui tentent de rallier l’Algérie ou l’Europe, l’eldorado par la méditerranée. La plus part des scènes du film se déroulent dans la Maison du migrant de Gao, un foyer d’accueil et d’orientation pour migrants.
Le groupe d’hommes qui réhabilite les tombes est composé d’agents de la Maison du migrant de Gao et des candidats à l’immigration. Cette maison a pour mission d’accueillir temporairement des migrants en leur servant de refuge en attendant la reprise de leur périple (en partance ou de retour). Dans ce cimetière, plusieurs migrants y ont trouvé leur dernière demeure. La plus part des tombes ont disparu sous l’effet de l’érosion. Il ne reste plus que quelques-uns qui sont encore réhabilitables.
Ces migrants qui ont échoué dans désert, qui ne retrouveront plus leur famille, sont de nationalités différentes. L’on peut lire sur les plaques mortuaires entre autres ivoirien, guinéen ou le nom de villes comme Bafoulabé (dans la région de Kayes au Mali) ou encore Niono (région de Ségou au Mali).
« C’est comme si je suis seule »
Au-delà de leur servir de refuge, la Maison du migrant joue également un rôle d’assistance et d’orientation à ces derniers. Elle aide certains dans leur insertion professionnelle. Les agents de la maison viennent également en aide aux migrants sur le plan assistanat à travers des conseils et un partage d’expérience. Certains de ces agents étant des anciens candidats à l’immigration. Ils arrivent même à dissuader certains candidats à l’immigration.
La trame du documentaire est dominée par l’histoire deux jeunes adolescentes : Kadi et Esther qui ont quitté leur pays et leur famille pour des raisons diverses à la recherche d’une vie meilleure. L’histoire de la première est bouleversante et remet en question la responsabilité des parents vis-à-vis de leurs enfants. Abandonnée par ses parents, Kadi a été élevée par la copine de sa mère, quand elle n’avait encore que deux ans. Et cette dernière n’a jamais pu lui donner l’amour dont elle avait besoin. « Dans mon enfance, je n’ai pas aimé la vie parce que je n’ai pas eu l’amour d’une mère ni celui d’un père. C’est comme si je suis seule », dit le personnage. Plus rien ne semble pouvoir l’empêcher de tenter sa chance en Algérie ou en Europe.
Par contre, d’autres jeunes filles prennent le chemin de l’immigration parce qu’elles ont été leurrées par les images des réseaux sociaux venant de certaines de leurs amies vivant en Europe ou dans certains pays du Maghreb. Or la réalité est toute autre.
Le dernier refuge met également un accent particulier sur l’insécurité qui prévaut dans le désert. Depuis 2012, les régions du nord du Mali sont devenues le nid des groupes armés qui s’adonnent à des besognes de tout genre. La contrebande, les enlèvements, les braquages et les attaques piégées y sont devenues monnaie courante. Si les hommes sont dépouillés de leurs biens voire tués par les bandits qui croisent leur chemin, les femmes qui tentent la traversée, pour la plupart deviennent des objets sexuels de leurs ravisseurs.
Les tristes réalités de l’immigration clandestine
Les confessions et les révélations des migrants sur les raisons de leur départ de pays d’origine, les difficultés qu’ils ont bravées au cours de leur traversée constituent le nœud du film. Les conflits armés, la précarité et le rêve d’une vie meilleure sont entre autres les principales raisons évoquées par les personnages du film.
Le découpage technique, la qualité de l’image et du son du film joue en faveur. Ousmane Samassékou utilise plusieurs plans dans le film. Il se sert des plans larges et de plans d’ensemble pour mieux présenter la maison du migrant. Les émotions des personnages sont captées par le zoom, les expressions faciales dans différentes circonstances n’échappent au réalisateur qui a su à travers ce documentaire montrer les tristes réalités de l’immigration clandestine notamment dans le désert grâce à cette immersion dans la Maison du migrant de Gao.
En moins d’une année (sorti en mars 2021), Le dernier refuge compte déjà une dizaine de prix internationaux dont le Grand prix du jury à Copenhague au CPH DOX au Danemark, le grand prix du meilleur film documentaire africain aux Encounters en Afrique du Sud et le Tanit d'argent de l’édition 2021 des Journées Cinématographiques de Carthage en Tunisie et sélection dans une soixantaine de festivals à travers le monde. Pour couronner le tout, le film est en présélection pour les Oscars aux Etats-Unis, la plus grande compétition de cinéma au monde.
Youssouf Koné
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